Honoré de Balac : L'Illustre Gaudissart et La muse du département
L’illustre Gaudissart
Dans le roman suivant, La Muse du département, Balzac dresse le portrait de madame de La Baudraye, une jeune fille de province qui brille dans son milieu mais dont le lustre se ternit dès qu'elle croise une Parisienne. L'intrigue se déroule à Sancerre, une petite ville sise entre Tour et Nevers. On le sait, l’opposition Paris-province est un thème récurrent chez Balzac, rarement en faveur des Parisiens, d’ailleurs, et ce roman en constitue encore une fois le témoignage éloquent. Voici ce que pense Honoré de Balzac lui-même de cette opposition : « Cette observation indique une des grandes plaies de notre société moderne. Sachons-le bien : la France au XIXème siècle est partagée en deux grandes zones : Paris et la province ; la province jalouse de Paris, Paris ne pensant à la province que pour lui demander de l'argent. »
Que penser de La muse du département ? Un roman fort intéressant et, surtout, très structuré (quatre parties, plusieurs chapitres), ce qui n’est pas dans les habitudes de Balzac. Intéressant, écris-je, mais avec quelques longueurs. En troisième partie, pendant quelques chapitres – heureusement très courts – Lousteau commente un texte qu’il est en train d’écrire, ce qui donne lieu à plusieurs disgressions qui ralentissent le déroulement de l’intrigue. Sinon, Dinah quitte son mari et son château de province pour vivre pleinement son amour à Paris et, ce faisant, met en péril sa réputation. Mais contrairement à d’autres personnages du même type, comme la <em>Madame Bovary</em> de Flaubert, par exemple, on n’en fait pas tout un plat… et le tout rentre dans l’ordre pour le bien de tout le monde, sauf pour Étienne Lousteau qui finit par sombrer dans la médiocrité, n’arrivant plus à écrire un texte valable et vivant de plus en plus chichement au crochet d’un peu tout le monde. Cela nous vaut d’ailleurs une réflexion fort intéressante de Balzac sur les difficultés de l’écriture. Écoutons-le s’épancher sur son personnage :
Voici pourquoi. Lousteau vivait de sa plume. Dans ce siècle, et surtout depuis le triomphe d'une bourgeoisie qui se garde bien d'imiter François Ier ou Louis XIV, vivre de sa plume est un travail auquel se refuseraient les forçats, ils préféreraient la mort. Vivre de sa plume, n'est-ce pas créer ? créer aujourd'hui, demain, toujours... ou avoir l'air de créer ; or le semblant coûte aussi cher que le réel.
Le Sancerrois appartenait, par sa facilité, par son insouciance, si vous voulez, à ce groupe d'écrivains appelés du nom de faiseurs ou hommes de métier. En littérature, à Paris, de nos jours, le métier est une démission donnée de toutes prétentions à une place quelconque. Lorsqu'il ne peut plus ou qu'il ne veut plus rien être, un écrivain se fait faiseur. On mène alors une vie assez agréable. Les débutants, les bas bleus, les actrices qui commencent et celles qui finissent leur carrière, auteurs et libraires caressent ou choient ces plumes à tout faire. Lousteau, devenu viveur, n'avait plus guère que son loyer à payer en fait de dépenses. Il avait des loges à tous les théâtres. La vente des livres dont il rendait ou ne rendait pas compte soldait son gantier ; aussi disait-il à ces auteurs qui s'impriment à leurs frais : — J'ai toujours votre livre dans les mains.
Bref, Dinah de Baufraye, devenue comtesse, est de nouveau une
femme honnête et, par le fait même, jouit d’une respectabilité à toute épreuve.
Honoré de Balzac. L’Illustre Gaudissart et La muse du département, c1843.
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