Henri Vernes : Bob Morane 6 – L’Héritage du flibustier


Après la Nouvelle-Guinée (La vallée infernale), l’Égypte (La galère engloutie), le Brésil (Sur la piste de Fawcett), Centrafrique (La griffe de feu) et le Yémen (Panique dans le ciel), Henri Verne nous emmène dans une autre région du monde –  aux Antilles et en Amérique centrale -, faisant ainsi voyager la jeunesse masculine du milieu des années 1950. Et c’est toujours en conquérant qu’il le fait, en Européen maître de ce monde encore largement colonisé.

L’Héritage du flibustier, sixième roman de la série des Bob Morane, ne débute pas à Paris comme dans les deux romans précédents, mais à San Felicidad, une île de la mer des Antilles. Bob Morane s’ennuyait dans son appartement parisien et, puisqu’il n’aime visiblement pas l’hiver, il est venu passer quelques mois aux Caraïbes, espérant prendre quelques coups dans une nouvelle aventure. Ça ne va pas tarder à arriver, d’ailleurs, car, dès les premières pages, en cherchant un bateau pour se rendre à la République de Zambara, un marin lui raconte avoir été torturé dans ce pays dirigé d’une main de fer par le dictateur Porfirio Gomez. Un peu découragé de ne pas trouver un pêcheur qui accepte de l’emmener, il se balade nonchalamment sur les quais quand, tout à coup, il rencontre le breton Claude Loarec qui a maille à partir avec quelques ouvriers travaillant pour son oncle Pierre, le riche  propriétaire d’une pétrolière. Sans hésiter, il vole à son secours et, rapidement, les deux hommes deviennent amis. Pour le remercier du coup de main, Loarec accepte de conduire Bob Morane en bateau jusqu’à Zambara, pays imaginaire d’Amérique centrale.

Après un jour ou deux de navigation, voilà que nos deux compères accostent nuitamment sur la côte. Ils décident alors de dormir un peu dans une hacienda abandonnée avant de prendre la route pour la capitale. Mais ils se réveillent au milieu d’un conflit entre un révolutionnaire et un détachement de l’armée zambariste. Bien entendu, ils se rangent du côté du plus faible et réussissent à fuir avec Pablo Cabral, le rebelle, non sans s’être fait un ennemi mortel en la personne du capitaine Foldès. Une fois rentrés à San Felicidad avec Cabral, nos héros repartent pour explorer l’île aux Cocotiers, là où le flibustier Montbuc aurait caché son trésor à la fin du XVIIIe siècle, car il faut bien justifier le titre de ce roman aux multiples péripéties, n’est-ce pas ? Et, comme par hasard, dans le cratère du volcan éteint de cette île, Bob et Claude tombent sur le gouverneur de Zambara et ses acolytes. Ceux-ci les capturent et les enferment à la prison de la capitale dans laquelle Claude, en tout breton qu’il est, déchiffre sur le mur de la cellule une inscription en gaélique indiquant la carte même du trésor écrite de la main de Montbuc. Le trésor serait finalement caché dans une caverne dans la région du rio Curupiri en plein territoire des Karapeï ou Indiens bleus, une tribu aux mœurs sanguinaires généralement hostiles aux Blancs. Ayant conclu un marché avec le gouverneur Fiscal (leur libération contre le trésor), ils se retrouvent en canot à l’embouchure de la rivière Curupiri. Près de la caverne où serait caché le trésor, certains hommes de l’expédition succombent aux flèches des Karapeï, mais Bob, Claude et le gouverneur sont faits prisonniers. Pourquoi seuls les Européens ont-ils été épargnés par les Karapeï ? On ne le sait pas… mais on s’en doute parce qu’on découvre que le chef de ces indiens est un ancien officier allemand de la Deuxième Guerre mondiale : Guth Lüber. Encore une fois, nos héros monnaient leur vie en échange du trésor… Une alliance se tisse alors entre l’Allemand et le gouverneur Fiscal  qui agit ainsi à l’insu du président de Zambara. 

Les romans de Bob Morane pèchent parfois par leur invraisemblance… car, dans la même caverne, se pointent soudainement le président du Zambara en chair et en os, Porfirio Gomès, accompagné du capitaine Foldès, qui avait quitté le groupe lors de l’attaque des Karapeï. Les péripéties se suivent et se ressemblent et, après quelques épreuves, Morane et les Loarec, père et fils, se retrouvent à bord d’un hydravion zambariste, le président et l’Allemand ayant été faits prisonniers. Quant au gouverneur Fiscal et au capitaine Foldès, ils n’ont pas survécu à leur cupidité… Et après ? Notre héros joue un rôle non négligeable dans la Révolution zambariste… Et quand Pablo Cabral lui demande pourquoi il risque sa vie pour un pays qui n’est pas le sien. Bob Morane fait la seule réponse qu’on attend d’un héros : « Ce combat est celui de tous les hommes, dit-il, puisqu’il est celui de la liberté. Voilà pourquoi il est aussi le mien. » Et tout est bien qui finit bien avec, notamment, la signature d’une entente entre le pétrolier Loarec et le nouveau président de la République de Zambara. Qu’advient-il de l’héritage du flibustier ? Il servira à renflouer le trésor public du nouvel État qui en a bien besoin…

Ici, quelques remarques s’imposent. D’abord, comme dans la plupart des Bob Morane jusqu’à présent (à l’exception, peut-être, de La Griffe de feu), il n’y a pas la moindre présence féminine dans ce roman. Pas même un personnage secondaire. Ensuite, L’Héritage du flibustier est le cinquième roman d’Henri Vernes à avoir été écrit en 1954. Cinq romans en une seule année, donc. C’est peut-être trop parce que, à mon avis, la qualité de l’intrigue n’est pas au rendez-vous : trop de coïncidences, trop d’invraisemblances, trop de revirements. On est loin de la qualité de La Vallée infernale.  Enfin, pour la première fois, Henri Verne donne des noms fictifs aux pays où il se rend : San Felicifad, cette île des Antilles, et la République de Zambara. Ça s’explique sans doute parce que l’auteur aurait du mal à justifier l’implication de son héros dans des événements révolutionnaires d’un pays réel d’Amérique latine…

Henri Vernes. Bob Morane 6 : L’Héritage du flibustier. Éd. Gérard & cie, 1954 (Marabout Junior)

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