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Affichage des messages du 2018

Sophie Dujardin : Entre chien et loups

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Les réactions d’un individu à la mort de son père peuvent être fort variées. Certains ressentent cette mort comme une libération, même si elle les affecte au plus profond de leur être. D’autres se sentent plutôt soulagés à son annonce, allant même jusqu’à regretter parfois de ne pas avoir eu le courage d’en être eux-mêmes l’auteur. Moi, à la mort de mon père, j’ai ressenti un sentiment de culpabilité qui ne cesse de me miner depuis. En fait, mon père est mort sans que j’aie eu l’occasion de lui dire « merci ». Lui dire « merci » pour tout ce qu’il a fait pour moi. Lui dire « merci » pour avoir sacrifié une bonne partie de sa propre vie pour que moi, son enfant, vive dans des conditions décentes. Et en cela je suis coupable car j’ai fermé les yeux sur la misère qui fut la sienne au cours des dernières années de sa vie. Résultat ? Moi qui n’ai pratiquement pas pleuré depuis la fin de l’enfance, j’ai recommencé à le faire, versant des larmes à la moindre occasion depuis cet événement. Sop

Loana Hoarau : Exuo

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Un jeune homme de 19 ans qui avait l'avenir devant lui. Et puis, un soir de fête bien arrosé, voilà qu'il décime une famille sur la route. Homicide involontaire, certes, mais homicide quand même. Et le voici en prison, un lieu où il expie plus qu'il ne se rétablit. La mère, seule survivante, vient le voir au début. Puis elle cesse ses visites. Au bout de six longues années, il sort de prison pour se retrouver dans la rue. Il se nourrit des restes trouvés dans les poubelles. Il n'est plus grand chose, car il perdu toute estime de lui. Et comme si le fait de se retrouver dans la rue n'était pas assez, il s'applique des punitions corporelles pour expier davantage ses fautes commises... Il supporte tout, sauf le froid. Et c'est un jour particulièrement froid que Norah C. le découvre, l'emmène chez elle et en fait son... Amant n'est pas le bon terme, sa chose aimante serait plus approprié au contexte. D'aucuns pourraient parler d'esclavage. Et pui

Alexandre Dumas : Le capitaine Pamphile

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Le capitaine Pamphile est sans doute le roman le plus baroque, le plus farfelu, sinon le plus original, des romans d'Alexandre Dumas, et Dieu sait combien il en a écrit, des romans ! Il ne sera pas facile d'en rendre compte... mais on ne perd rien à essayer. D'abord, une précision : Le capitaine Pamphile est une histoire racontée dans une histoire. Cette technique de la double intrigue n'est pas nouvelle, je sais, mais chez Dumas elle prend une couleur particulière, notamment en raison du mélange des genres. D'aucuns ont prétendu que ce roman était destiné à la jeunesse... mais, en raison de la gravité des sujets abordés (colonisation, traite des esclaves, fraude financière à grande échelle, etc.), je ne souscris pas à cette idée... aussi farfelue que le roman lui-même. Toutefois, je peux comprendre qu'on puisse le penser, notamment parce que, dans ce roman, les animaux, personnages au même titre que les humains, jouent un rôle essentiel dans ce double récit.

Alexandre Dumas : Le capitaine Paul

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Avec Souvenirs d'Anthony (1835) , Le capitaine Paul figure parmi les premiers romans d'Alexandre Dumas. Une oeuvre de jeunesse, donc, même si l'écrivain a trente-six ans au moment de sa parution. Il faut se rappeler qu'avant d'adopter le roman comme genre littéraire privilégié, Dumas écrivait surtout pour le théâtre. C'est d'ailleurs parce que sa pièce a été refusée par ce milieu que le Le capitaine Paul est devenu un roman... Quelle est la motivation de cet auteur qui ne cesse d'écrire des romans depuis lors, même s'il est aidé en cela par des rédacteurs comme Félicien Malville et Auguste Maquet ? L'argent, sans doute... car l'écriture lui a permis de vivre et même, parfois, de bien vivre. Mais il n'y a pas que ça... car l'écriture représente aussi pour lui une sorte d'exaltation que la créativité seule peut susciter chez ceux qui s'y adonnent. En littérature, la créativité consiste d'abord à partir de sa propre vie p

Antoine Bello : Les Falsificateurs

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Le héros des Falsificateurs s'appelle Sliv Dartunghuver et est islandais. À peine sorti de l'école, il est embauché par Baldur, Furvset et Thoberg, une firme de conseil en environnement basé à Reykjavik. Mais il s'agit d'une couverture car, dans les faits, il travaille pour le CFR, c'est-à-dire le Consortium de falsification du réel, une organisation aux allures de confrérie ayant des tentacules partout dans le monde. Pendant les trois cents premières pages du roman, l'auteur décrit les opérations du CFR. Cela apparaît comme une sorte de jeu... mais, suite à une erreur de Sliv, tout bascule dans l'horreur. En poste à Cordoba (Argentine) sous les ordres de la jolie et ambitieuse Lena Thorsen, une Danoise qui parle couramment l'islandais, les Opérations spéciales du CFR dépêchent deux émissaires. Et voilà que le côté maffieux de l'organisation ressort au grand jour.... Soudain, le héros se trouve malgré lui complice d'un assassinat, ce qui l'a

Sinclair Dumontais : Appel à témoins

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Bertrand Vimont est le personnage central de ce récit qui n’en est pas vraiment un. Un jour, pour des raisons jamais vraiment explicitées – mais sur lesquelles il s’épanche pourtant dans un grand nombre de lettres envoyées à ses proches – il décide de rompre avec ses habitudes pour partir on ne sait où. Un départ sans retour. Un aller simple pour nulle part, en quelque sorte. C’est ce qu’on appelle changer de vie... N'avez-vous jamais eu envie de changer de vie ? L'envie de partir, de tout sacrer là, de vendre tous vos biens, de quitter votre travail, de laisser femme et enfants, d'abandonner vos amis, votre milieu... pour vivre un rêve, ou pour tout simplement faire quelque chose d'autre, quelque chose qui vous permet de rompre avec la routine, cette routine que vous accomplissez depuis des années. Je suis convaincu que chacun de nous a eu une telle envie un fois ou deux dans sa vie. Moi-même, à l'âge de trente ans, alors que je m'installais peu à peu dans le q

Emmanuel Carrère : Le Royaume

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Emmanuel Carrère écrit au je. C’est même la seule façon qu’il conçoive l’écriture. La présence du locuteur ne doit faire aucun doute dans l’esprit du lecteur. Ses récits d’ailleurs se situent à mi-chemin entre l’autofiction et le docufiction, des catégories à la mode qui peuvent simplement être associées à l’essai littéraire. Emmanuel Carrère s’avère notamment connu pour L’Adversaire , un ouvrage qui a donné lieu au film du même titre. Vous savez, ce médecin qui partait chaque jour au bureau sans aller nulle part ? En fait, il avait perdu son emploi depuis longtemps et n’osait l’avouer à personne, surtout pas à sa propre famille qu’il a fini par assassiner. Hommes, femmes, enfants. Le Royaume est un essai, mais pas du même ordre que L’Adversaire . Dans la première partie, l’auteur raconte sa conversion au catholicisme survenu au début des années 1990. Il est en revenu depuis… mais il a conservé comme témoignage de cette période de sa vie une série de carnets dans lesquels il consignai