2023-03-01

Honoré de Balzac : La vieille fille (1837)


La vieille fille est un roman de La Comédie humaine qui s'inscrit dans le vaste ensemble des Études de mœurs, plus précisément dans la série des Scènes de la vie de province. Publié pour la première fois en 1837, ce roman est parfois regroupé avec Le Cabinet des antiques et, dans ce cas, prend le sous-titre de Les Rivalités (vol. 1).

Dans les premières pages de ce roman, Balzac décrit avec force détails la situation particulière du Chevalier de Valois, un prétendu bâtard de cette lignée royale éteinte depuis Henri III. Peu fortuné, le Chevalier fait bonne impression dans la bonne société d'Alençon, une commune de Normandie. Amical avec les ouvrières de madame Lardot, sa logeuse, sa préférence va toutefois à Suzanne. Celle-ci se prétend enceinte de lui, mais il la retourne comme un gant en lui conseillant de se rendre à Paris aux frais de monsieur du Bousquier, un républicain ambitieux qui, en conséquence, craint le scandale comme la peste. Ce personnage est associé par Balzac à la bourgeoisie républicaine. En fait, le Chevalier de Valois et du Bousquier, l'un royaliste, l'autre libéral, sont des rivaux, tant en politique qu'en amour conjugal : tous deux souhaitent épouser Rose-Marie Cormon, la vielle fille qui donne le titre au roman.

Afin de nuire à son rival, Valois suggère à Suzanne de se rendre chez du Bousquier et réussit à lui soutirer 600 francs. Mais elle en vaut mille. Elle décide de poursuivre sa mission en rendant visite à madame Granson. Celle-ci vit avec son fils Athanase, un jeune homme de 23 ans. Ce jeune homme, Balzac le considère comme un génie. Un génie qui s'ignore, toutefois. À l'instar du chevalier de Valois et du Bousquier, il a aussi des vues sur mademoiselle Cormon, sauf que lui, le ténébreux romantique, en est follement amoureux. Quant à Suzanne, elle tombe amoureuse de ce garçon, ce qui ne l’empêche pas de filer à Paris sans demander son reste.

Ensuite, Balzac décrit la maison de mademoiselle Cormon, une vielle maison sise au centre d'Alençon construite sous Henri IV. Cette description est enrichie d'une illustration de l'importance sociale du salon que tenait la vielle fille. Visiblement, l'auteur plante le décor pour les scènes qui vont suivre et, comme nous nous en doutons, il le fait avec force détails. De la maison, Balzac passe à Rose-Marie Cormon qu'il décrit avec justesse : une dévote prise entre son oncle abbé et son confesseur.

Trois prétendants, donc, mais la demoiselle n'arrive pas à se décider. L'arrivée inattendue du vicomte de Troisvilles, un neveu de son oncle, va susciter des attentes qui seront vite déçues et vont compromettre, en un certain sens, la réputation de Rose-Marie. Pour y remédier, elle décide de se marier au premier des trois qui en fera la demande. Elle choisira du Bousquier au détriment du Chevalier de Valois qui accepte la défaite de bonne guerre. En revanche, il n'en est pas de même pour Anathase qui connaît une fin tragique. Les conséquences de l'échec du Chevalier ne se font pas attendre non plus; il se met à vieillir, à dépérir à vue d'œil et devient par la suite la risée d'Alençon. Quelques années plus tard, il meurt presqu'en même temps que Charles X, son roi à qui il a tout laissé.

À Alençon, la vie reprend son cours, mais rien ne se passe comme Rose-Marie l'avait espéré. Du Bousquier prend rapidement le contrôle de sa maison et de sa fortune. En cherchant à se mettre au goût du jour, il saccage toutes les habitudes de sa femme et de son oncle, qui ne s’en remet pas, et bientôt celles de la ville tout entière. Mais elle laisse faire, même après la mort de son oncle, tellement elle craint de retrouver son statut de vieille fille...

Que penser de La vieille fille? Sur le plan de la structure, rien de nouveau chez Balzac : elle brille par son absence. En effet, aucune subdivision, ni en chapitre ni en partie, vient en en faciliter la lecture. Toutefois, il y a toujours une structure, n'est-ce pas ? Même quand elle n'est pas apparente. Ce qu'il y a de particulier dans ce roman, c'est qu'une fois que Balzac a bien planté le décor et décrit les personnages clés du roman (première partie), les événements se précipitent à un rythme accéléré (deuxième partie). Autrement dit, après une première partie que d'aucuns trouveront peut-être un peu longue, nous sommes vite happés par le dénouement de l'intrigue dans la deuxième partie (qui n'est pas nommée comme telle, comme je vous ai prévenu). Est-ce un bon roman ? Oui, sans aucun doute. On y découvre un Balzac caustique, parfois cruel, mais sans doute réaliste, dans la description qu’il fait des personnages qui composent la société de province d’Alençon. Conclusion : allez-y sans crainte !

Honoré de Balzac, La vieille fille, c1837, ouvrages libres de droit disponibles sur toutes les plateformes.

2023-02-01

Henri Vernes : Bob Morane 17 : La Cité des sables


Alors qu'il rentre chez lui, quai Voltaire, Bob Morane découvre une forme allongée par terre. Il s'agit du corps d'Aouda, un proche de Ibn Zeid, roi de Kabbah. Aouda a été poignardé par des hommes qui cherchent vraisemblablement à liquider le prince héritier. Avant de mourir, il confie une mission à notre héros : retrouver le prince Yassim avant qu'il ne lui arrive un malheur. Morane se rend à l'Institut international de Neuilly où se trouverait le prince Yassim. Comme on le devine, les acolytes du beau-frère du roi défunt, Zaal, l'ont précédé et sont en route pour Marseille d'où ils prendront un paquebot pour Kabbah. Notre héros a sauvé plus d'un pays dans sa vie d'aventurier. Alors il s'en donnera la mission une fois de plus...

Avant d'embarquer, dans l'hôtel où est descendu Yassim Zeid, Morane aperçoit Roman Orgonetz, un personnage douteux dont on a fait la connaissance dans Mission pour Thulé (Bob Morane 16). Cet individu, au physique peu amène, est en grande conversation avec Ali Djem, l'acolyte de Zaal. Mais ce n'est que sur le paquebot que Morane réussira à prévenir le prince héritier de ce qui se trame contre lui. Celui-ci, toutefois, refuse l'aide que Morane lui propose une fois arrivée à Djibouti. Il est convaincu que son salut réside dans le fait qu'il regagne le plus rapidement possible Kabbah. Une fois à Djibouti, Morane suit Orgonetz jusqu'à une villa. En se rapprochant d'une fenêtre, il surprend une discussion entre l'espion et Ali Djem et, par le fait même, comprend que le prince Yassim est en danger. Il décide de rejoindre à la nage le boutre sur lequel il est monté.

Sur le boutre, Morane est découvert par Ali Djem qui l'emprisonne dans la cale mais, au bout de quelque temps, un mystérieux personnage lui remet un couteau et une gourde d'eau. Il défait ses liens et nage jusqu'à la côte arabique. De là, il entreprend de se rendre à pied jusqu'à Aden, protectorat britannique (aujourd'hui, ville portuaire du Yémen). Sur sa route, il entend une fusillade et découvre les corps de douze gardes de Kabbah. Il récupère un dromadaire et des vêtements, et fait demi-tour pour aider le prince héritier. Sur la route, il sauve le capitaine Kerim d'une mort certaine, un fidèle du prince qui a déjà aidé discrètement Morane sur le boutre. Ils reprennent la route jusqu'à ce qu'il tombe sur une Jeep... conduit par nul autre que Bill Ballantine, le fidèle ami de notre héros, prévenu par George Lester, diplomate britannique basé à Aden, lui-même prévenu par lettre par Bob Morane pendant qu'il était à Djibouti. Le trio fait route sur Kabbah, bien déterminé à tout faire pour que le prince Yassim monte légitimement sur son trône.

Arrivés aux portes de la ville, ils ne peuvent y entrer, car des hommes armés sont stationnés devant la seule issue. Ils entreprennent de contourner en traverser un lac de bitume à leur risque et péril. Puis ils gravissent une colline et font dévaler un amas de pierre sur les mercenaires postées à l'entrée de la ville. Ensuite, le tout se déroule très rapidement. Arrêtés et libérés, Morane et le prince déjouent le complet de Zaal. Le roman se termine à Aden où Bob Morane et William Ballantine boivent un whisky en compagnie de George Lester.

Nous pourrions discuter longtemps sur la légitimité de l'aventurier, même animé d'un sens moral à toute épreuve, à se mêler de la politique intérieure d'un État. Souvenons-nous du Sultan de Jarawak, par exemple. Mais il est étonnant que Bob Morane, dans ce roman, prenne partie contre les pétrolières qui pourraient développer ce petit pays de la péninsule arabique et, par le fait même, enrichir ses habitants. En effet, dans La Cité des sables, il adhère à la vision du prince pour qui le bonheur réside dans un mode de vie simple basé sur la tradition et le respect de la nature. Certes, on se doute bien que Roman Orgonetz est à la solde d'un pays étranger, sans doute l'Union soviétique de la fin des années 1950, mais n'empêche... on sorte avec une étrange impression de la lecture de ce roman qui, sans être mauvais, n'est pas non plus le meilleur Bob Morane. L'intrigue s'avère plutôt linéaire et, les rebondissements, cousus de fil blanc.

Vernes, Henri. Bob Morane 17: La Cité des sables. Éd. Gérard & Cie, 1956

2023-01-01

Honoré de Balzac : Autre édude de femme (1842) et La Grande Bretèche (1832)


Autre étude de femme est un petit roman - ou une grosse nouvelle, c’est selon - qui prend place dans les Scènes de la vie privée de La Comédie humaine. Ce récit se déroule à ce que Balzac appelle une « seconde soirée », c’est-à-dire cette soirée qui suit le raout et dont certains convives triés sur le volet se réunissent autour d’un souper. Contrairement à la première (un bal, une mondanité), cette seconde soirée oblige les gens à faire montre d’un peu d’esprit, qualité qui se perd en France selon l'écrivain. Dans ce petit roman, donc, Balzac réunit alors autour d’une table des personnages récurrents de La Comédie humaine comme Émile Blondet, Henri de Marsay, Joseph Bridau, Horace Bianchon, le baron de Nucingen, Félicité des Touches et bien d’autres. Le thème commun à ces récits au cœur du récit, une technique narrative souvent employée par Balzac, s’avère la femme, comme on peut s’en douter, notamment de la « femme comme il faut », ce modèle féminin en voie de disparition depuis la Révolution de 1830.

Dans cette soirée, décrite par Balzac avec sa verve habituelle, trois récits sont mis de l'avant : ceux de Henri de Marsay, personnage principal dans Le contrat de mariage, d'Émile Blondet, autre personnage récurrent de La Comédie humaine et, enfin, du général de Montriveau, un personnage, certes secondaire, mais qui apparaît dans de nombreux romans de l'oeuvre balzacienne.

Le quatrième récit, sans doute le plus intéressant, voire le plus sublime, a fait l'objet d'un texte à part, une décision de l'écrivain que nul ne songerait à contester. En effet, La Grande Bretèche est une nouvelle de La Comédie humaine qui s'inscrit aussi dans les Études de mœurs - Scènes de la vie privée. Bien que son écriture soit antérieure à Autre étude de femme, La Grande Bretèche est rattachée à celle-ci et peut être considérée comme une suite, ce dont je doute pour ma part. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas du même ordre sur le plan des leçons à tirer des lectures de Balzac. Si les récits que compose Autre étude de femme ont pour thème commun la morale et ses dérives, surtout quand elle s'avère trop rigide, La Grande Bretèche est un récit auréolé de mystère, proche du genre fantastique, voire du thriller en un certain sens. Ce récit, rapporté par le médecin Horace Bianchon, ne se résume pas, sinon vous n'auriez aucun intérêt à vous précipiter pour le lire. Tout ce que je peux vous affirmer, c'est que ce texte vaut le détour tellement il confine au sublime par sa beauté.

Honoré de Balzac, Autre étude de femme, c1842, et La Grande Bretèche, c1832, ouvrages libres de droit disponibles sur toutes les plateformes.

2022-12-01

Isaac Asimov : Les robots et l'empire


C'est avec Les robots et l'empire que Isaac Asimov met fin à ce cycle des robots qui compte six ouvrages en tout, romans et nouvelles confondues. Dans ce cycle, on peut distinguer un sous-cycle, en quelque sorte : celui qui a pour héros l'enquêteur Elijah Baley, un Terrien. La série Baley pourrait presque passer pour du roman policier si ce n'était du personnage de Gladia qui fait de ces romans de véritables histoires d'amour intersidérales. Dans Les robots et l'empire, toutefois, il y a bien longtemps qu'Elijah Baley n'est plus de ce monde, le récit se déroulant plus de cent ans après Les robots de l'aube (1983). Invraisemblable, me direz-vous ? Non, parce que l'espérance de vie des Aurorains s'avère une quinzaine de décennies de plus, voire davantage, que celle des Terriens, de sorte que Gladia continue toujours de jouer un rôle important dans ce dernier roman du cycle. Car même après tout ce temps, le souvenir d'Elijah Baley, cet amant de passage, ne cesse de hanter Gladia, cette femme originaire de Solaria qui a émigré sur la planète Aurora depuis dix ou onze décennies. Elle n'a vu Elijah qu'à trois reprises dans sa longue vie, mais ses sentiments pour lui n'ont jamais fléchi, tout comme ceux d'Elijah pour Gladia puisqu'il en a transmis le souvenir à ses descendants, dont le septième du nom : D.G. Baley. Cet étrange prénom correspond aux initiatives des deux robots chargés par Baley lui-même de prendre soin de Gladia : Daneel et Giskard.

Ce D.G. Baley, descendant d'Élijah, a colonisé une planète appelée BaleyWord. Dans l'univers des romans d'Asimov, on distingue les Terriens, les Coloniens et les Spaciens. Les habitants de Solaria et d'Aurora sont, par exemple, des Spaciens, deux planètes qui ont fait l'objet de deux romans d'Asimov, soit Face aux feux du ciel, pour Solaria, et Les robots de l'aube, pour Aurora. Dans ces deux romans, le personnage de Gladia joue un rôle clé. Et ça se poursuit avec Les robots et l'empire car elle se retrouve au centre d'une conspiration menée par Amadiro, ennemi juré d'Elijah Baley dans Les robots de l'aube, et Madamus, un jeune roboticien trop ambitieux. Celui-ci a pour projet de détruire la Terre, planète-mère pour tous les Coloniens,

Dans ce dernier roman de la série, la planète Solaria est désertée par ses habitants, et personne ne sait ce qu'ils sont devenus. En revanche, des milliers de robots ont été laissés sur place. Certains Coloniens, flairant la bonne affaire de la revente de ces robots dans d'autres planètes, se sont posés sur Solaria mais, à chaque fois, leurs vaisseaux ont été détruits. Pour en avoir le coeur net, D.G. Baley demande l'autorisation d'atterrir sur Aurora pour demander à Gladia de l'accompagner sur Solaria. Il se dit que seule une Solarienne pourrait éclair le mystère. Les autorités d'Aurora autorisent le départ de Gladia, notamment parce que les Aurorains eux-mêmes ne comprennent pas ce qui se passe sur Aurora. Une fois sur la planète, Gladia et D.G. se rendent vite compte que les robots ont été conditionnés pour reconnaître comme humains les seuls Solariens, ce qui est contraire à la première loi de la robotique qui stipule qu’un « robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. »

Entretemps, Amadiro et Mandamus mettent au point une conspiration pour détruire la Terre, source de tout l'univers connu. Cette conspiration s'avère toutefois déjouée par les deux robots Daneel et Giskard qui, tout robot qu'ils soient, ont amorcé une réflexion sur une possible quatrième loi de la robotique, la loi 0 en quelque sorte, une loi non codée qui consiste à privilégier la sécurité de l'humanité avec celle des individus. Il fallait le faire, n'est-ce pas ? Je ne vais pas pour retranscrire les lois de la robotique énoncées par Issac Asimov, tout simplement parce que vous la trouverez sur Wikipédia en suivant ce lien. Mais, si vous creusez un peu, vous constaterez que c’est cette trouvaille de la loi 0, faite par les robots eux-mêmes, qui a permis de sauver la Terre…

J'aime bien les romans d'Isaac Asimov que j'ai découvert sur le tard. J'ai d'ailleurs entrepris la lecture de son œuvre de façon plus ou moins ordonnée. Après le cycle des robots, j'attaque celui de l'empire qui compte trois volumes. Je risque de vous revenir…

Asimov, Isaac. Les robots et l'empire (Le Cycle des robots 6). J'ai Lu, 1986

2022-11-01

J.R.R. Tolkien : Le Hobbit


Ne me demandez pas pourquoi j’ai attendu autant d'années avant d'entreprendre la lecture de Tolkien. Ne me le demandez pas parce que je ne saurais vous répondre. Dans ma jeunesse, tout le monde lisait Bilbo le Hobbit ou Le Seigneur des anneaux. Sans doute étais-je un tantinet snob, n'aimant pas aimer ce que tout le monde aimait, n'aimant faire ce que tout le monde faisait. Étant un jeune homme de peu d'envergure, je tentais de me démarquer par une certaine originalité. Est-ce que ça m'a servi ? Certainement pas ! Aujourd'hui encore, j'aime bien ce que d'autres n'aiment pas. Et je n'aime pas toujours ce que tout le monde aime ! Mais je ne le fais plus par snobisme, car je n'ai plus à me démarquer, à épater la galerie. Je suis devenu une vieille personne qui n'attend plus grand chose des autres, et je mourrai avec mes rêves enfouis au plus profond de mon être.

Avant de débuter la lecture de Tolkien, je me suis demandé par où commencer. Là-dessus, les experts sont unanimes : Bilbo le Hobbit, dorénavant Le Hobbit dans la nouvelle traduction de Daniel Lauzon chez l'éditeur Christian Bourgois. Roman originellement destiné à la jeunesse, Le Hobbit raconte comment la vie tranquille de Bilbo, du peuple des Collines, s’avère complètement bouleversé par l'arrivée du magicien Gandalf et de ses treize amis Nains. Bilbo est tout sauf un aventurier. Il aime bien manger, papoter avec ses voisins, vaquer à ses occupations routinières sans trop se compliquer la vie. En fait, il s'agit d'un Hobbit parfaitement heureux dans une existence empreinte de simplicité et d'habitudes. Alors, pourquoi Gandalf l'a-t-il désigné pour accompagner les Nains dans une mission dans laquelle il ne retire aucun intérêt ? Les Nains souhaitent retrouver leur gloire perdue dans le pays de la Montagne Solitaire. Depuis des années, une centaine d'années sans doute, Smaug, le dragon, est le seigneur des lieux. Après avoir détruit le royaume des Nains, il a accaparé toutes leurs richesses et se prélasse sur sa couche composée d'or et de diamants. Qu'à cela ne tienne, Thorin, le roi des Nains, décide de répondre à l'appel de ses ancêtres pour reprendre ce qui lui est dû. Gandalf a choisi Bilbo pour les accompagner en tant que voleur professionnel, ce qu'il n'est pas, bien entendu. Malgré tout, il se joint à l'expédition qui consiste à traverser toute la Terre du milieu pour parvenir au pied de la Montagne Solitaire.

À partir de là, le roman du genre fantasy s'apparente à un road movie. Sur un chemin semé d'embûches, la troupe rencontre de nombreux obstacles : les Trolls, les orques, les Gobelins, les Loups, les araignées géantes, Gollum, ce personnage étrange auquel Bilbo dérobe l'anneau qui lui permet de se rendre invisible dès qu'il la met à son doigt, les Elfes, etc. Sur des dizaines de chapitres, Tolkien raconte le voyage des Nains, de Gandalf et de Bilbo jusqu'à ce qu'ils arrivent à Boug-le-Lac, nommé aussi Esgaroth, une ville lacustre construite sur pilotis par des hommes sur le Long-Lac. De là, on peut apercevoir la montagne où se terre le dragon. Devrais-je vous raconter le reste ? Juste sur Wikipédia, vous trouverez le résumé du roman et un article pour chacun des personnages. Sans compter la multitude de chaînes YouTube, en français, en anglais et dans d'autres langues, consacrées à l'œuvre immense de J.R.R. Tolkien. Sachez simplement qu'un homme, Bard, tuera le dragon et qu'à partir de là les vrais ennuis commencent, notamment la Guerre des Cinq armées, ce qui n'est pas rien, reconnaissez-le.

Bilbo finit par retourner chez lui, par retrouver son village si paisible mais, comme le magicien l'avait prédit, il ne sera plus jamais le même. Et, en son âge vieillissant, il entreprend de raconter par écrit ses aventures. Et voilà où le bât blesse, où la morale de l'histoire frappe un nœud : la vie tranquille dans une maison bien propre représente sans aucun doute un modèle de sagesse, et personne n'en doutera. Le simple fait d'assister au lever du soleil, d'humer l'air frais en prenant une marche, de bien manger, de se reposer sur un fauteuil après un moment de lecture, devrait rendre heureux n'importe quel homme ou femme digne de ce nom. Mais voilà, pour apprécier tout cela, encore faut-il avoir vécu quelque chose...

Citation de la fin : « Bien sûr ! dit Gandalf. Et pourquoi ne se réaliseraient-elles pas ? Vous n’allez tout de même pas les mettre en doute, simplement parce que vous avez contribué à ce qu’elles se concrétisent ? Pensez-vous réellement que toutes vos aventures et vos péripéties ont été dictées par la chance, uniquement dans votre intérêt ? Vous êtes quelqu’un de très bien, monsieur Bessac, et je vous aime beaucoup ; mais en réalité, vous n’êtes vraiment qu’un tout petit bonhomme dans un monde bien plus vaste ! »

Voilà, n'oublions jamais que nous ne sommes que des êtres microscopiques dans l'univers, des petits êtres qui appartiennent à un ordre beaucoup plus grand que nous.

Tolkien, J.R.R. Le Hobbit / nouvelle trad. de Daniel Lauzon. Christian Bourgois, 2012

2022-10-01

Henri Troyat : Tant que la terre durera, tome 1


Dans ma jeunesse, avant que je commence à m'intéresser à la littérature avec un grand L, je lisais les livres que ma mère ramenait à la maison. Parmi ces bouquins, on trouvait les romans historiques d'un auteur aujourd'hui oublié : Henri Troyat. Cet auteur écrivait des sagas familiales dont plusieurs se déroulaient en Russie avant la Révolution de 1917. Né à Moscou, cet écrivain a fui le pays en feu avec ses parents. Bien qu'il n’eût que six ans au moment de son arrivée en France, il n'a cessé d'écrire des romans sur son pays d'origine, comme Tant que la terre durera (1947), La lumière des justes (1959), Les Héritiers de l'avenir (1968), Le Moscovite (1974) et bien d'autres. Comme Henri Troyat le disait lui-même dans un entretien diffusé sur YouTube, on ne pourrait lui ôter la pelisse française qu'il porte sur lui sans lui arracher le corps, mais un enfant russe sommeille toujours en lui, quoiqu'il fasse. Ça confirme bien ce que j'ai toujours pensé : peu importe la contrée où on passe notre vie, le pays s'avère toujours celui de l'enfance.

À l'âge de quinze ou seize ans, donc, j’ai commencé à lire des romans d'Henri Troyat. J'ai débuté par Les semaines et les moissons, une saga familiale en cinq volumes publiée entre 1953 et 1958. Ça m’a tellement plu que, très rapidement, j’en ai lu plusieurs autres, des sagas russes principalement, avant que j’accède aux grandes œuvres des écrivains classiques comme Dostoïevski et Tolstoï. C’est à Henri Troyat que je dois mon attirance irrépressible pour la littérature et la musique russes. Pourtant, je n’ai jamais mis les pieds dans ce pays, un rêve que j’ai renoncé à concrétiser, comme tant d’autres… mais ce penchant pour la culture russe ne m'a jamais quitté.

Cet été, juste avant les vacances, j'ai rédigé une nouvelle intitulée La dame russe qui s’insérera dans mon prochain recueil à paraître en 2022-2023. Et c'est rédigeant cette micro fiction que mes souvenirs de la lecture d’Henri Troyat ont remonté à la surface de ma mémoire et ce, près de cinquante ans plus tard. Alors, dans un geste spontané, je me suis procuré le premier volume de Tant que la terre durera, une saga qui m’avait échappée à l’époque. Cet ensemble romanesque compte sept volumes. Voici le compte rendu du premier.

Le premier tome de Tant que la terre durera est structuré en quatre parties et son intrigue se déroule entre 1888 et 1896 dans trois villes de Russie : Armavir (aujourd'hui en Arménie), Ekaterinodar (Krasnodar) et Moscou. Trois villes, donc, et trois familles : les Danoff, une famille de marchand de tissus d'Armavir, les Aparoff dont le chef de famille est médecin pour la municipalité d'Ekaterinodar, et les Bourine, un propriétaire terrien. Ces trois familles sont celles des trois personnages principaux : Michel, Tania et Volodia. Comme dans toutes les sagas, on y décrit de grandes amitiés, notamment celle de Michel Danoff, jeune homme qui se liera d'amitié avec Volodia Bourine à l'Académie d'étude commerciale pratique de Moscou. Comme de raison, ces amitiés sont suivies de grandes trahisons, notamment lorsque Michel épouse Tania après que celle-ci ait refusé la main de Volodia. Celui-ci en ressent peine et frustration, un mélange explosif de sentiments qui ne s'atténuera qu'à la toute fin de ce premier volume. Bien entendu, de nombreux personnages secondaires enrichissent la trame principale du récit : Nicolas, le frère aîné de Tania, qui fréquente les milieux révolutionnaires de Moscou, et Lioubov, la soeur de Tania, qui épouse un personnage lubrique du nom de Kisiakoff dont le comportement finit par dégoûter le lecteur du XXIe siècle... Le tout donne une belle histoire qui se lit bien, surtout pendant les vacances.

J'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver cet écrivain après tant d'années. Vais-je lire les sept volumes de cette suite romanesque ? Probablement, à petite dose, un volume à la fois, et ce, entrecoupée d'autres lectures. J'ai aimé ce roman, bien entendu, même si j'ai eu du mal à distinguer la morale de l'auteur sur cette Russie impériale d'avant la Révolution de 1917. À Moscou, par exemple, Troyat adopte une position ambiguë sur la cérémonie associée au sacre du tsar Nicolas II qui se termine dans un bain de sang. Il caricature les activistes comme Zagouliaieff, le compagnon de Nicolas Aparoff, tout en dénonçant l'irresponsabilité du tsar dont les 2000 morts ne l'empêchent pas de participer à la réception de l'Ambassade de France le soir même. Par ailleurs, il ne se prononce pas non plus sur la condition lamentable des femmes d'Armavir, condition qui oblige Tania à ne plus sortir seule de la maison pour ne pas nuire à la réputation des Aparoff. Le roman a été écrit en 1947, soit deux ans après la Deuxième Guerre mondiale alors que Joseph Staline était toujours à la tête de l'URSS. Dans le roman historique, la tentation d'entacher le récit d'anachronisme s'avère forte. C'est souvent le cas dans certains romans historiques québécois dont on se lasse rapidement pour cette raison. Toutefois, Henri Troyat semble y échapper. À tout le moins, il fait preuve de prudence, et on ne peut que l'en féliciter.

Conclusion : si vous cherchez une lecture de vacances, n'hésitez pas à (re)lire cet écrivain qui ne mérite certainement pas de tomber dans l'oubli.

Henri Troyat. Tant que la terre durera, tome 1. Paris, c1947

2022-09-01

Henri Vernes : Bob Morane 16 - Mission pour Thulé

Ce 16e Bon Morane débute alors que notre héros s'adonne au tourisme dans le sud des États-Unis. Au volant d'une vieille bagnole, il échoue à Paradise Rocks, une ville typique des films western de la fin du XIXe siècle... sauf que nous sommes toujours dans les années 1950 ! Morane est bien mal accueilli dans cette ville qui est contrôlé par un gros éleveurs du coin, un certain James Lore. À peine a-t-il pu obtenir une chambre d'hôtel qu'il est nuitamment assommé et délesté de tout son argent. Bref, ça commence mal...

Le lendemain, il se rend chez James Lore qui lui avance de l'argent. En échange, Bob Morane accepte de remplacer son pilote et de livrer pour lui du matériel d'équitation à San Francesco. Mais certains individus louches essaient de l'en dissuader. Mais notre héros ne supporte pas qu'on lui dise ce qu'il doit ou ne doit pas faire... Une fois à San Francesco, une autre mission se présente : livrer du matériel sportif à la base américaine secrète de Thulé au Groenland. Il s'apprêtait à refuser, mais un autre individu, aussi louche que les précédents, l'invite à renoncer ce projet en lui offrant une somme substancielle. Cet individu n'est nul autre que Roman Orgonetz, un personnage qui reviendra dans une vingtaine ouvrages par la suite.

Bob Morane s'envole donc pour Thulé, faisant fi des menaces de toutes sortes. Il est toujours accompagné par Ted Harrison, le bras droit de l'homme d'affaires. Mais à peine ont-ils franchi l'espace aérien du Groenland qu'ils sont attaqués par des inconnus conduisant des appareils de type militaire, visiblement pas américains. Son compagnon atteint par des projectiles, Bob n'a d'autre choix que de se poser. En constatant la mort de Harris, il découvre qu'il s'agit d'un agent du FBI et que, sur un billet rédigé à l'intention de Morane, il lui demande de bien dissimuler le troisième ballon. Une question de vie et de mort. Bob réussit à enterrer une boîte contenant cet objet juste avant qu'il soit rejoint par voie terrestre par ses agresseurs. Ne trouvant rien, ils emmènent notre héros dans leur repère secret. Devant la menace de la torture, Morane tisse un discours assez crédible pour faire croire aux inconnus, masqués pour qu'on ne soupçonne pas leurs pays d'origine, que l'objet recherché aurait été acheminé à Thulé par d'autres moyens. Résultat, ils abandonnent la base, étant convaincu de leur échec.

On le devine aisément, Morane réussit à s'évader et ce, à bord d'un avion dans lequel on a placé une bombe destinée à détruire la base américaine de Thulé. En plein vol, il réussit à détruire les quatre avions qui l'escortaient et à larguer la bombe dans l'océan. Une fois au sol, il est interrogé par l'armée américaine pendant une vingtaine d'heures jusqu'à ce qu'on finisse par reconnaître sa loyauté et sa bravoure. Le contenu du carton du troisième ballon recelait finalement un satellite miniature qui a pu être lancé en orbite. Aux trois quarts du roman, on est presque tenté de croire que la mission s'avère accomplie... Toutefois, il reste à démasquer le traitre qui ne cesse de renseigner l'ennemi sur la mission des services secrets américains. Pour Bob Morane, il ne fait aucun doute que la clé de l'énigme se trouve à Paradise Rocks. Il y retourne.

Comme on devait s'y attendre, dès qu'il met les pieds à Paradise Rocks, notre héros tombe dans un traquenard... mais il réussit en s'en sortir, grâce en autres aux services secrets qui sont venus à sa rescousse. Le traître est démasqué et Bob Morane poursuit ses vacances dans le sud des Etats-Unis...

Contrairement au roman précédent (voir La marque de Kali, le 15e Bob Morane), Mission pour Thulé se déploie sous le signe de la simplicité. En effet, une seule intrigue, un seul héros, un traître et des ennemis à la solde d'une nation étrangère qu'Henri Vernes se garde bien d'identifier, histoire d'éviter des complications. Roman rédigé en 1956, donc en pleine Guerre froide, on a toutefois aucun mal à la deviner... Comme d'habitude, aucune présence féminine dans ce roman tout simple, sans fioritures, que j'ai assez aimé, somme toute.

Vernes, Henri. Mission pour Thulé (Bob Morane 16). Éd. Gérard (coll. Marabout Junior), c1956